Atelier Gouvernance
Introduction
le mot gouvernance vient de gouverner
étymologie (latin gubernare, diriger un navire, du grec kubernân)
Les gouvernances sont les façons de gouverner.
Pendant longtemps on a parlé plutôt de gouverner c’est-à-dire de l’action (verbe) et
de gouvernement c’est à dire du substantif désignant l’organisation qui régit l’action.
Le terme de gouvernance, est réapparu depuis les années 90 / 2000 après avoir au
moyen âge désigné l’intendance de la maison puis l’éducation des jeunes enfants
(les gouvernantes). Aujourd’hui on parle de gouvernance pour évoquer la bonne
gestion et laisser supposer que l’on met les valeurs humaines et l’éthique au cœur
des prises de décision, mais force est de constater que les modèles qui structurent la
communication et les prises de décision sont très loin du potentiel encore contenu
dans le mot gouvernance, c’est-à-dire l’art de fédérer les énergies humaines au
service d’une direction, d’un projet, mais tout autant de la façon dont ces puissances
humaines se maillent entre elles.
Il est nécessaire d’interroger la façon de gouverner : « le comment » plutôt que le
fait.
C’est ce passage du « vers où je vais » au « comment nous y allons qui va nous
occuper maintenant. Car le comment pose la notion des conditions du voyage et de
la compagnie (avec qui ?) alors que le gouvernement désigne ou fait élire « qui fait
quoi » dans l’embarcation sans chercher d’autre forme de questionnement du
Étymologiquement le gouvernail donne la direction du bateau; il pointe l’endroit vers
lequel l’équipage veut aller. Pendant longtemps les sociétés ont confondu la direction
donner avec l’acte de donner cette direction. On a assimilé le Cap avec la fonction
du capitaine (gardien du cap) puis finalement à la décision de donner seul le cap.
Lentement donc la sémantique a glissé de l’objet vers l’homme.
Ainsi ce qui concerne ’équipage (équi / équipe- équitable) se retrouve dans les mains
d’un seul gouverneur.
Direction et mouvement
De quoi parle-t-on quand on évoque l’acte de gouverner ? De commandement, de
responsabilité prise au moment d’une décision ? De garder un pays où un groupe
dans la « bonne » direction ou la droite ligne ?
Quid de l’énergie qui va créer le mouvement indispensable au déplacement de la
barque ? Le vent la mer les hommes sur un bateau, le climat, la terre, les ressources
et les hommes dans une nation. Dans tous les cas sans, point de mouvement, et
sans coordination harmonieuse de ces mêmes énergies point d’utilisation maximale
ni de valorisation de ces puissances : la barque avance, mais elle rame.
On voit bien que le mouvement est indissociable de la compagnie, du « avec qui »
et si l’équipage ne prend pas le temps de se rencontrer, s’il ne place pas l’accueil
avant l’étrangeté (la différence, l’idée préconçue, etc) de l’autre, les articulations
sociales qui lient les humains vont vite être gripper par la méfiance.
Seul on va « vers » dans le froid de l’isolement parfois en se disant « à quoi bon »,
ensemble on va loin dans la chaleur humaine en se réjouissant de faire la route en
bonne compagnie.
Ensemble on réalise que si le but est bien devant, les autres sont quant à eux à côté.
Cette conscience latérale de notre environnement est un préalable indispensable à
toute forme de gouvernance écologique.
Tous responsable du voyage
Nous vous proposons là de voir comment nous pouvons tous devenir des
gouvernants du bateau au service du cap commun plutôt qu’ assujetti à un pouvoir
(une personne) qui gouverne.
Puisque l’embarcation est commune, nous avons tous intérêt a conjuguer nos talents
pour qu’elle ne se transforme pas en galère.
A la différence d’une galère où le dirigeant décide seul et contre les forces
d’opposition en alléguant que la fin (le but) justifie les moyens (la tyrannie)
La gouvernance de l’ équi-page s’occupe du confort du voyage. Le comment on se
déplace devient dès lors tout aussi important que le vers où l’on se déplace et parfois
il sera nécessaire d’accepter le détour pour garantir la sécurité et le confort de tous
alors que sur l’embarcation livrée au seul gouverneur –capitaine- commandant, la
décision se prendra en fonction de l’efficacité, c’est-à-dire du raccourci, du gain de
temps même si pour cela il faut traverser des turbulences où des intempéries
dangereuses et risquer de fracasser le navire.
Ainsi pour participer au voyage nous devons nous poser la question de notre
mission. E n gouvernance il n’y a pas de voyage touristique, chacun est
concerné par l’intégrité de l’embarcation, la qualité de vie à bord et gardien du
cap.
Chacun gouvernant
Pour que chacun des membres de l’équipage deviennent acteur ide la gouvernance
il y a au moins deux conditions préalables
- 1/ de prendre la mesure, c’est-à-dire de prendre conscience de la place que l’on va
occuper. Cela pause avant tout la question de la compétence du désir et renvoie à
l’adage il n’y a pas de sot métier il n’y a que des rôles non consentis. Nous
proposons de substituer la notion de contribution à celle de l’emploi et nous verrons
comment la coopération découle nécessairement de la contribution alors que l’emploi
conduit inévitablement et dans le meilleur des cas, à la collaboration …… - 2/ de faire le lien avec son équipage intérieur, car la gouvernance de (ou plutôt avec)
soi relève des mêmes règles que celle des autres (avec les autres). Il s’agit de
garder le cap avec soi et avec les autres, en bonne entente plutôt que de le garder à
tout pris et malgré soi (humeur non-désir, etc) ou contre les autres. (Conflits,
inimitiés, désaccords etc.)
Agir en gouvernant est donc par principe une participation à une gouvernance
collective, car s’il y a une direction unique « le comment on y va » implique
nécessairement le groupe, les parties de soi, le couple, la famille, le voisinage, etc)
nous verrons plus loin comment justement ces étendues à, partir de soi, constitue
notre territoire et le ,ou un territoire commun qui s’articulant à celui des autres.
Avant de parler de territoire, on voit bien qu’il est indispensable de définir la place et le lien.
Cette place elle ne peut ni être imposée ni décider par quelqu’un (à ma place), mais
elle est la création d’un espace à partir d’un choix.
Pour réaliser le bon choix (bon au sens de cohérent) il va me falloir sentir (percevoir) mes inclinations, mes élans.
Nous sommes tous responsables non seulement de nous-mêmes, mais aussi de nos
rapports avec chacun des autres membres. En cela nous sommes tous solidaires,
c’est-à-dire tous tenus les uns aux autres au-delà de notre individualité. La solidarité
c’est la responsabilité de chacun non pas uniquement de soi ou de l’autre, mais du
lien, de la relation : être solidaire c’est être responsable tout ensemble de moi de ma relation donc de l’intégralité du collectif.
« Le tout est supérieur à la somme des parties » a écrit Pascal : cet écart entre la le
tout et la somme ne serait ce pas précisément ‘l’apport indéfinissable de l’intelligence
collective, de la richesse des conjugaisons exponentielles des éléments entre
eux ?…..
Altérité et altération
Qu’une idée sorte de mon imaginaire pour se donner au monde, qu’elle quitte
l’univers douillet de mes certitudes et de mes croyances pour aller à l’extérieur,
aussitôt elle s’altère. Un peu comme l’air oxyde certains métaux, nos idées se
transforment et s’altèrent au contact de l’inconnu. L’altération n’est pas fatalement
une dégradation, au sens où l’objet en s’exposant à un climat et un univers différent
du sien perdrait de sa valeur, l’altération peut être synonyme de richesse d’heureuse
fermentation (levain) où même de moisissure (roquefort) .L’ Alter indique juste la
différence, la présence d’un élément autre avec lequel le rapport s’établira de façon
heureuse (médecine nourriture amitié) où malheureuse (poison, produit non
consommable, inimitié) je renvoie ici à la philosophie de Spinoza.
Qu’on le veille ou non le temps altère notre corps et nous avons pris la fâcheuse
habitude de confondre altération et décrépitude. L’altération signifie juste que nous
devenons autres: si je dis que J’ai soif, je signifie que je suis altérer c’est à dire que
mon organisme pour continuer à fonctionner pleinement à besoin d’eau, en se
désaltérant il redevient lui même c’est-à-dire en capacité de fonctionner
heureusement (ce que l’on nomme homéostasie). Si la métaphore de la soif indique
l’aspect délétère de l’altération (en tant qu’elle décompose, le rapport harmonieux
dirait Spinoza) l’affinage des vins et des fromages et l’altération du charbon en
diamant nous montrent aussi qu’il est d’heureuses altérations.
Nous sommes éduqués et continument former (informer) à associé altérité à
altération négative alors que c’est précisément dans cette distinction positive que se
joue toute la richesse de la diversité et la confiance en l’autre.
Ainsi la gouvernance écologique en rendant possible l’intelligence collective, rend
l’autre désirable et enrichissant et recycle les méfiances et les individualismes en
relations fécondes.
C’est cela que nous nommons le désaccord fertile, car c’est justement là où il y a
résistance à mon idée que je sens s’activer l’altérité.
Nous allons voir ensemble comment vivre heureusement l’altération de nos opinions
et idées par la présence de l’autre où plus exactement par l’attention à la présence
de l’autre.
Ainsi là où fromage et vin s’affinent avec le temps, l’air et les levures, nos
conceptions se peaufinent par « frottement » avec les autres.
Les nouveaux modes de gouvernance nous permettent aujourd’hui d’envisager des
relations collectives épanouissantes et de remplacer « l’enfer c’est les autres » par le lien qui libère et « la relation âme de la pédagogie » de Martin Buber.
Le cercle de Gouvernance
le processus.
Nous parlons de processus, car dans ce terme il y a la notion de mouvement. Nous
nous démarquons ainsi nettement des modes d’emploi qui hypothèquent l’inattendu,
étouffent la créativité et saccadent le déroulement. Nous posons un cadre bien sûr,
car il n’est pas question d’être hors limite, hors territoires hors concentration bien au contraire, mais nous gardons la souplesse du mouvement .On pourrait utiliser en
plus le mot méthode au sens où Spinoza l’écrit :
« Non pas pour nous faire connaître quelque chose, mais pour nous faire
comprendre notre puissance de connaître »
Pourquoi parlons-nous de cercle ?
Ici le cercle s’oppose à la pyramide et à ce mode d’autorité qui part ou qui arrive à
l’un aussi toxique dans les deux cas)
Pyramide de bas en haut : sélection donc déchet maltraitance, l’autre n’est plus mon
allié, mais mon concurrent voire mon ennemi. Au bout un seul point (voire article sur
la gouvernance et le corps)
La flèche est un triangle qui pointe devant ou sur le côté
Pyramide inversée (développement exponentiel, croissance folle)
La pyramide inversée n’a pas de limite.
es structure chimique et stable sont souvent à base de forme pyramidale, car cette
forme est associée à la stabilité. (pour ex : les perturbateur endocrinien et autre
polluant le sont parce que précisément il ne se dégrade pas et sont trop stables)
La pyramide est un focal, une ligne de fuite qui compacte le temps et l’espace. : Pour
décider d’aller au but il est indispensable d’y être déjà, de s’y visualiser. Dès lors
toute forme de latéralité est un espace gommé, car entre le départ et le but la route
n’est qu’une gêne, une perte de temps « puisque je m’y vois déjà » pourquoi attendre
d’y être. Et me voilà projeté dans les deux lignes de fuite (du réel) qui pointent le but
comme seul objet convoitable et digne de la réalité (des gagnants).
On a tendance a oublier que la focale est une qualité de vue d’animaux prédateurs
qui visent la proie alors que les herbivores ont une vision à 360 degrés avec un angle
mort devant et près d’eux.
Sur le côté il y l’autre (nous l’avons vu), il y a les paysages. Ainsi dés l’instant où
nous cessons de compacter temps et l’espace entre le départ et le but, nous
redonnons au temps et à l’espace toute leur étendu et nous pouvons enfin accorder
notre présence à ce qui se passe réellement et non dans un futur inhabitable et
fatalement imaginaire. Nous cessons d’être des projectiles de nous même
bombardés par des urgences qui ne sont que des projections.
Les nouvelles gouvernances proposent un accordage à une temporalité commune
dont seul le présent offre l’espace d’accueil. La conscience DE l’autre et l’attention A
l’autre sont consubstantielles de la présence.
Nous substituons au principe pyramidal non vivant un agencement moléculaire qui
pourra se décliner en rhizome (Deleuze Guattari)
L’écoute active
Ce n’est pas seulement l’écoute des autres, mais aussi l’écoute de soi, la perception
de soi et de fait la conscience de soi par la présence à soi.
Les conditions de l’écoute active
« la compréhension de l’autre est indissociable de son invocation »
Tout d’abord ne pas réagir et prendre le temps
<em>L’enjeu n’est pas d’avoir raison (car avoir raison c’est toujours dire que l’autre à tort
et le laisser sur le carreau), mais avoir DE la raison</em> (c’est à dire emmener l’autre
avec moi dans un consentement qui indique l’accord d’autrui avec lui même)
Ici il fait faire un rapide rappel sur les trois cerveaux (reptilien, limbique, néocortical)
du plus simple au plus complexe, de celui qui se passe de ma conscience (reptilien
entre 300 et mille ou plus rapide que le néocortex) à celui où siège à la fois le fruit de
mes réflexions, mes idées et le lieu où elles s’élaborent. Le néo cortex est l’endroit
où se dépassionnent les échanges non pas dans un rapport froid, mais une relation
calme et en paix. Encore une fois il est important de distinguer absence de passion
(subir)- et froideur ou indifférence. Nous verrons que l’écoute active est
consubstantielle de l’empathie et de la bienveillance (puisque attention à l’autre et
conscience des neurones miroirs)
Entre une réaction (reptilien) où l’on dégaine une phrase (comme une décharge
musculaire reflexe) et une conception qui se frotte à une autre puis danse avec elle,
il y a toute la création d’un espace commun (d’une piste de danse) et d’un temps
consacré.
Nous constatons tous que nos sociétés fonctionnent dans l’urgence, la précipitation
« le temps c’est de l’argent » et j’y ajouterais l’espace (la voiture, la boîte, le bahut,
la cage à lapin…)
Nous établissons un cercle dans lequel il n’y a pas de réaction possible puisque le
cadre posé c’est le tour de parole imprenable.
Qu’observons-nous si la réaction est possible ?
Nous ne pouvons plus couper la parole (ce qui nous rassure si nous l’avons et nous
contraint en tant qu’auditeur)
Combien de débat et de réunion sont minées par « laissez-moi finir » « je ne
vous ai pas coupé la parole »
Supposons une réunion de groupe local sans écoute active :
Qu’est-ce qui se passe en moi lors de l’intervention d’un membre : je lui réponds du
tac au tac et si je ne peux pas le faire de suite, je sens mon cœur qui bat, mon
besoin de répondre devient pressant (comme une envie de …) Je me manifeste en
levant mon doigt de façon compulsive et de plus en plus manifeste et si encore on
me contient, je finis par exploser : on imagine la qualité de ma réponse …..Adieu
douceur, bienveillance et attention.
De la même manière que l’on dit « ventre affamé n’a pas d’oreilles (car entièrement
tourné vers l’appel de son estomac) on pourrait dire « parole non exprimée n’a pas
d’oreille »(puisque entièrement tournée vers la nécessité de se dire)
Parfois nous notons sur un papier pour ne pas oublier ce qui nous brûle la langue et
nous « débarrasser de l’obsession »: Ainsi la frustration s’apaise et l’attention peut
revenir.
ll est donc cruciale de rassurer chaque membre du bateau cercle sur le fait qu’il
pourra parler de façon équitable (même temps de parole, même attention)
Nous remarquons tous en expérimentant simplement cette première étape qu’un
immense apaisement se produit en nous, une forme de tranquillité et de
ralentissement.
La clarification
Là encore combien de réaction, de colère de « ce n’est pas ce que j’ai dit « « vous
me faite dire toute autre chose » ou bien « je n’ai jamais dit ça » témoignent de
profonds malentendus ?
Souvenons-nous que 80 % de notre communication est non verbale.
Adèle Côte
1H30 le vendredi 19 août 2011
texte et formation de Adèle Côte