Les surprises de Magalie Chap 2

Lecture d'été

L'univers de Magalie

Chapitre 2

C’est une odeur d’encaustique qui accueillit Magalie à son entrée dans le hall de l’hôtel. L’endroit était peu éclairé et meublé seulement d’un petit comptoir en chêne sculpté et de deux énormes fauteuils au cuir usé, posés de part et d’autre d’une table basse en bois recouverte de revues soigneusement dispersées. Il y faisait bon et l’aspect quelque peu vieillot de l’endroit respirait le calme et la douceur de vivre, comme si les innombrables clients qui avaient transité par-là, au fil du temps, y avaient laissé un peu de leur bonhomie. Magalie n’eut guère le loisir d’approfondir cette impression de bien-être qu’une sorte de farfadet faisait son entrée sous l’aspect d’une petite vieille dame toute guillerette. Sa face ridée s’éclairait d’un sourire bienveillant qui fit aussitôt penser à la jeune femme que la sérénité qui émanait de cette pièce, à l’ambiance feutrée, était aussi le reflet de ce personnage. La voix était douce, même si une oreille attentive aurait pu y déceler comme un brin d’excitation :

– Bonsoir, mademoiselle.

– Bonsoir, madame. J’ai réservé une chambre pour cette nuit.

– Je vous attendais, mademoiselle. J’étais même assez impatiente de vous rencontrer. Au son de votre voix j’avais deviné que vous deviez être très belle. Mon instinct ne m’a pas trompée. Je suis un peu sorcière, voyez-vous. En vérité, si j’ai deviné qui vous étiez, c’est aussi que ce soir l’hôtel est pratiquement à vous. Vous n’aurez à le partager qu’avec un beau jeune homme qui s’arrête ici chaque fois qu’il est dans la région pour son travail. Voulez-vous monter déposer votre valise avant de passer à table ? Votre chambre est immédiatement à droite de l’escalier. Elle porte le numéro douze et la clé est dans la serrure. Le repas sera prêt dans une demi-heure tout au plus.

– J’ai en effet besoin de me rafraîchir un peu, mais je ne serai pas longue car je suis affamée.

Sa valise à la main et sous le regard tendrement appréciateur de la vieille dame, Magalie se dirigea vers l’escalier massif, lissé et assombri par le frottement de milliers de mains expertes dans l’application de la cire. Cromec n’avait évidemment rien perdu de la scène :

– Elle sait reconnaître les jolies filles, cette vieille dame ! Mais elle a aussi signalé la présence d’un beau jeune homme, seul autre locataire pour cette nuit, avec toi. Qu’est-ce que tu dis de cette coïncidence ?

– Pense à autre chose, tu veux, et ne te fais pas tout un cinéma ! Mon objectif c’est Jérôme, pas le premier inconnu venu, même s’il est jeune et beau et qu’il plait à l’hôtelière.

– C’était pour parler.

– D’accord, mais tâche de te mettre dans le crâne, façon de parler aussi, que je ne couche pas avec n’importe qui. D’ailleurs tu devrais le savoir !

– J’ai bien le droit d’essayer de t’influencer, pour parfaire mon initiation, et ta conscience, elle, m’est inaccessible.

La chambre était vieillotte, accueillante, chaude, avec un grand lit habillé de vieux rose, couverture déjà faite, des doubles rideaux assortis, une immense armoire à glace avec un chapeau de gendarme et, dans un renfoncement, un petit bureau avec sa chaise capitonnée de vieux rose elle aussi. Dans un angle, sa porte cachée par une tenture, s’ouvrait un cabinet de toilette avec W.C., douche et lavabo.

– Ce sera un vrai bonheur que de rêver de Jérôme dans cet immense lit et si je n’avais pas aussi faim je m’y engloutirais tout de suite !

– Pense plutôt à faire ce brin de toilette qui te semblait si indispensable il y a quelques minutes.

– Je te vois venir, mon cochon, tu veux encore te rincer l’œil ! Non content de fouiller mes intérieurs les plus intimes, comme dans le bus, avec tes tentacules mystérieux et invisibles, tu tiens aussi à te rassasier d’images !

– Je thésaurise pour l’avenir.

Après un haussement d’épaules Magalie se débarrassa en un tour de main de ses vêtements avant d’ouvrir sa valise et d’y prélever sa trousse de toilette. Sous la douche, immobile, elle laissa longuement l’eau tiède couler sur son corps avant de plier les genoux, de glisser une main entre ses cuisses et de frotter délicatement pour en extirper les traces du plaisir éprouvé dans le bus. Les yeux clos, elle savoura le contact entre ses doigts et la chair tendre de ses lèvres intimes. Puis elle se saisit d’une grande serviette blanche, soigneusement pliée près du lavabo et se sécha avant de retourner vers le lit. Là, encore sous l’effet des caresses qu’elle venait de s’administrer, elle s’allongea sur le dos et, les deux mains crispées sur son sexe, se laissa emporter par ses pensées, oubliant momentanément les besoins de son estomac et la présence de Cromec.

Elle se revit, presque trop brutale, face à sa mère indignée à l’idée qu’elle veuille se livrer corps et âme aux appétits sexuels de Jérôme. Elle se revit, lui martelant qu’elle n’entendait pas être comme elle une mutilée du bas-ventre, figée dans la peur de découvrir que le bonheur pouvait naître de cet orifice magique situé entre ses cuisses, mutilation volontaire qui avait plus que probablement fait le désespoir de son mari. Elle se revit lui dire qu’elle avait bien l’intention de faire l’amour souvent et intensément et qu’elle comptait sur Jérôme pour l’aider à découvrir, jour après jour, des plaisirs nouveaux. Et elle se revit lui expliquant qu’elle serait la femme d’un seul homme si celui-ci se révélait en mesure d’assumer la fonction de mâle qui lui était dévolue par la possession d’un membre viril, elle n’avait pas osé dire d’une bite, capable de répondre à ses besoins d’être investie aussi fréquemment et profondément que son corps en ferait la demande.

L’évocation du membre viril fit dévier ses pensées. Elle avait rencontré Jérôme à l’occasion d’une visite chez des amis communs alors que le jeune homme en terminait avec une longue formation professionnelle loin de chez lui. Ils s’étaient plu aussitôt, très fort, ce qui avait rendu les préliminaires quasiment inutiles et les avait incités à prendre rapidement un acompte puis à pousser plus loin leur intimité. Seulement Jérôme venait de l’autre bout du pays, de Marseille, et le temps lui était compté tandis que de son côté Magalie, gênée par une mère méfiante et possessive, ne disposait pas vraiment d’elle-même. Alors les étreintes, si elles avaient été prometteuses, n’en avaient pas moins manqué de la liberté et de la durée indispensable à leur épanouissement. Les coups de boutoirs dont le garçon n’avait que trop rarement labouré son ventre, insuffisamment assouvi, avaient instillé dans son imagination des idées de développements qui avaient longuement occupé ses insomnies et ses rêves. Jérôme reparti, Magalie n’avait pas été longue à éprouver un intense besoin de sentir peser sur elle le corps de son amant et quand elle s’endormait enfin, c’était avec les mains crispées sur son sexe, comme en cet instant. De son côté Jérôme ne devait pas être en reste car il avait demandé très vite à la jeune femme de venir le rejoindre.

Absorbée dans ses pensées libidineuses, Magalie sursauta lorsque son envahisseur se manifesta :

– Si tu ne reviens pas à la réalité, tu vas devoir retourner faire toilette ! Tu recommences à mouiller et je sens monter ta température.

– Décidément, dès que je pense à Jérôme mon sang se met à bouillir ! Même en imagination j’arrive à avoir la sensation que son corps pèse sur moi et qu’il me pénètre ! C’est plutôt prometteur pour l’avenir, non ? C’est bon, tu sais, mais c’est terriblement frustrant quand je reprends contact avec la réalité de son absence.

– Patience, les retrouvailles sont proches et j’ai hâte de vous voir à l’œuvre.

– Quand j’imagine nos retrouvailles, et c’est fréquent, je le vois qui me couvre de baisers tout en me déshabillant fébrilement avant de me pousser sur le lit pour une possession brutale et fabuleuse. Il faut que j’arrête de penser !

La jeune femme détacha les mains de son sexe et se redressa d’un coup de reins après avoir, dans un geste reflex, lissé la douce toison de son pubis. Elle remit la robe retirée en arrivant, un slip propre, ne jugea pas utile de mettre un soutien gorge et se peignit avec les doigts puis quitta la chambre.

– Le restaurant doit être au rez-de-chaussée.

– Ce n’est pas à moi qu’il faut le demander !

– Je ne faisais que penser.

Le farfadet fit son apparition dès que Magalie posa un pied sur la dernière marche de l’escalier :

– Vous allez pouvoir dîner dans un instant, mademoiselle, mais je vous guettais parce que j’ai oublié de vous dire qu’il y a une salle de bains au fond du couloir du côté opposé à votre chambre. Je suis certaine que vous aimez vous alanguir dans l’eau chaude d’un bain avant de plonger dans vos rêves nocturnes.

– Vous avez raison, madame, si une bonne douche me revigore pour la journée, un bain chaud me met dans de bonnes dispositions pour la nuit.

– J’ai été jeune, comme vous, et malheureusement la douche n’a plus grand-chose à raviver chez moi ! Maintenant allez vous restaurer. Prenez la porte à droite de l’escalier, le cuisinier est mon mari et je pense qu’il nous a mijoté quelques bons petits plats. Lorsqu’il n’y a que deux ou trois clients, comme c’est le cas ce soir, il nous arrive de partager le repas avec eux. Je vous rejoins dès que le beau jeune homme sera là.

Affublée de Cromec, Magalie entra dans la petite salle de restaurant.

– Notre hôtelière insiste beaucoup sur le beau jeune homme, tu ne trouves pas ?

– Souvenirs et nostalgie sans doute.

– J’ai faim.

– Moi, j’ai faim ! Toi, tu n’es qu’une espèce de fantôme pour qui manger n’est qu’une vue de l’esprit.

– Oui, mais un fantôme qui éprouve ce que tu éprouves. J’ai faim.

L’hôtelier-cuisinier, guère plus volumineux que son lutin d’épouse, indiqua à Magalie l’une des deux tables dressées avec un seul couvert et elle s’y installa. Bien que ce ne soit pas dans ses habitudes, elle accepta le kir royal proposé. C’était soir de fête, après tout. Au cas où la tête viendrait à lui tourner, il n’y aurait pas loin de la table au lit et Cromec devrait pouvoir la guider.

Elle finissait son apéritif lorsque la porte s’ouvrit sur l’hôtesse précédant le jeune homme auquel elle avait fait référence en le qualifiant de beau. Une émotion intense submergea instantanément Magalie à la vue du personnage, une émotion toute physique qu’elle ressentit au plus profond de son être et qui la troubla si fort qu’elle baissa la tête sur son assiette et s’y maintint avec la certitude d’être devenue, subitement, couleur pivoine. Surpris lui aussi, Cromec se laissa un instant prendre à l’émoi de la jeune femme :

– Que se passe-t-il ? Ce n’est qu’un homme ! Il est beau, je veux bien en croire ton bon goût, et celui de l’hôtelière, mais en éprouver une telle émotion n’a pas de sens !

– C’est bien ce qui me bouleverse ! Je ne comprends pas et surtout je ne me reconnais pas !

– Alors, regarde-le mieux ! Ne reste pas le nez dans ton assiette.

Avec effort la jeune femme leva les yeux. L’homme s’était assis à l’autre table préparée par l’hôtesse, c’est-à-dire face à elle. Leurs regards se rencontrèrent. En une fraction de seconde, avant de se détourner, Magalie perçu comme une immense surprise chez le garçon.

– Je me trompe où il a l’impression de te reconnaître ?

– Moi, je ne le connais pas.

– Pourtant, cette émotion qui t’a submergée pourrait bien laisser supposer le contraire. Bonté divine, regarde-le une bonne fois !

– Regarde-le, toi.

– Ne sois pas idiote, je ne peux le voir qu’à travers toi !

Cette fois la jeune femme, poussée par Cromec, ne refusa pas le contact et c’est dans les yeux de son vis-à-vis qu’elle comprit subitement. Elle n’avait rencontré des yeux pareils qu’une fois. Leur expression de surprise, tout à l’heure, avait masqué leur pouvoir magnétique et c’est pourquoi elle s’était laissé abuser, mais son corps, lui, avait été plus perspicace et n’avait rien oublié de l’attirance physique qui les avait rapprochés un soir.

Quelques mois avant de rencontrer Jérôme, comme elle le faisait assez régulièrement avec des amis, le samedi soir, elle était allée danser dans un bal de son quartier. Au sortir d’une danse avec un flirt, dont elle avait très vite oublié l’existence, elle avait croisé le regard d’un homme et s’y était noyée instantanément. Le personnage était bien fait de sa personne, très grand, l’allure sportive et décontractée avec une élégance naturelle dans sa manière de se tenir et une belle gueule qui ne déparait évidemment pas l’ensemble. Inconsciemment elle s’était dit que ce devait être un étranger au quartier qui tuait le temps en regardant évoluer la faune locale. Mais, par-dessus tout, elle avait vu ses yeux. Ils étaient à la fois perçants et magnétiques et d’un bleu si sombre qu’ils en paraissaient violets.

Subjuguée, elle s’était figée et n’avait pu faire le moindre geste pour empêcher l’homme de l’enlacer. Il l’avait entraînée dans la foule des danseurs et elle avait oublié tout ce qui n’était pas l’instant vécu dans les bras de cet inconnu. Son regard ne pouvait se détacher des prunelles sombres qui l’ensorcelaient. Le garçon ne disait mot, mais chaque fibre de son corps, qui s’était soudé au sien, exprimait la puissance du désir qu’il avait d’elle. Elle se sentait déshabillée, caressée, fouillée dans son intimité plus efficacement que par des mains expertes. Elle ne pensait plus. Elle ne voulait plus que vivre le moment, même si, de tout son être, elle souhaitait plus. Elle sentait le sexe dur de son partenaire et des soubresauts incontrôlables jetaient son ventre au-devant de celui du mâle. Elle n’aspirait plus qu’à être possédée. Lorsqu’une main s’était glissée entre eux et qu’un doigt avait repoussé le fin tissu de sa jupe et celui, diaphane, de sa petite culotte pour aller caresser ses lèvres intimes, elle avait cru s’évanouir. L’homme lui avait mis le feu au corps. Elle n’était plus qu’une bouilloire au bord de l’explosion. Elle ne savait rien de lui, ni son nom, ni sa vie, ni la raison de sa présence ce soir-là, mais ce dont elle était certaine, perceptible jusqu’à la dernière fibre de sa chair, c’était que son corps tout entier n’aspirait qu’à faire l’amour avec ce type, être possédée par lui, se brûler à sa flamme et se soumettre à tous ses désirs.

– C’est normal dans un comportement de femme, ce désir incontrôlé et incontrôlable pour un inconnu ?

Plongée dans ses pensées, Magalie ne répondit pas.

Lorsque l’orchestre s’était tu, l’homme l’avait gardée étroitement serrée contre lui. Il avait retiré sa main et murmuré à son oreille :

– J’ai une folle envie de t’aimer et de te faire l’amour pendant des heures ! Mon sexe a mal de toi comme je sens que le tien a mal de moi et que tu réponds sans restrictions à mon attente. Je ne sais pas ce qui nous arrive, mais si tu viens jusqu’à mon hôtel nous ne pourrons plus jamais oublier ces instants. Jamais je n’ai eu autant envie de me donner corps et âme à une femme !

Magalie avait si peu le désir de résister qu’elle avait glissé sans répondre sa main sur le sexe tendu, prisonnier entre leurs ventres.

C’est alors que la bande de copains avec qui elle était venue au bal s’était ruée sur elle. Ses amis l’avaient saisie par les bras, l’avaient tirée, l’avaient séparée du mâle dans lequel son corps voulait se fondre. Ils étaient joyeux et excités et n’avaient rien écouté de ses protestations bafouillées. Elle avait été tractée vers la sortie et seuls ses yeux avaient pu exprimer son immense désespoir.

Et voilà que le hasard, subtil entremetteur, les remettait en présence. Et voilà pourquoi, en une fraction de seconde, son corps, lui, avait retrouvé les vertiges d’un soir de bal.

Le souffle coupé, tant par la surprise que par l’émoi violent qui avait submergé son être, Magalie fut incapable, cette fois encore, de détacher son regard des yeux du jeune homme. Elle pouvait y lire l’étonnement de la retrouver en ce lieu, mais aussi le retour brutal des pulsions qui avaient failli les emporter ce soir-là. Elle se laissa envahir, oublieuse de la présence des hôteliers, par des sentiments qu’elle ne pouvait à nouveau plus maîtriser et que d’ailleurs elle n’avait aucune envie de contrôler. Elle mangea plus ou moins inconsciemment, mâchant la nourriture parce que le garçon mâchait, buvant parce qu’il buvait, essuyant ses lèvres lorsqu’il le faisait. Pas un instant elle ne vit le sourire ravi de la petite dame qui les regardait en silence. Pas un instant non plus elle ne pensa à Cromec qui devait emmagasiner dans sa mémoire des émotions que personne, dans son peuple, n’avait jamais dû ressentir. Elle était heureuse et elle savait que la nuit se passerait dans les bras de celui qui avait si bien su enflammer ses sens. Jérôme n’existait plus. Jérôme ce serait pour demain. Cette nuit elle appartenait à ce garçon dont elle ne savait toujours rien, parce que plus rien d’autre n’importait, parce que, de toute manière, elle était incapable d’envisager autre chose que de sentir son corps empalé sous le sien.

Elle reprit un peu contact avec la réalité lorsque vint le dessert. Le fait que son délicieux tourmenteur n’ait pas prononcé un mot durant tout le repas n’enleva rien à la conviction intime de Magalie. Elle savait qu’il viendrait à elle. Ses yeux le lui avaient dit et la question ne se posait même pas. Tout aussi convaincu, Cromec se manifesta enfin :

– Cette fois personne ne sera là pour vous séparer et j’ai une sacrée envie de participer au festival qui s’annonce car ton corps vibre comme un diapason. Il chante quelque chose que l’autre perçoit, une musique sans parole qui se transmet à travers l’espace qui vous sépare et vous lie plus fortement qu’aucun lien matériel ne saurait le faire.

– C’est fou ! Il y a deux tables entre nous et pourtant je le sens comme s’il était en moi ! Toi je ne te sens pas, mais lui, c’est physique.

– Des liens subtils se sont tissés entre vous un soir de bal, de ceux qui provoquent les coups de foudre, et le fait de ne pas avoir été concrétisés n’a fait que les renforcer physiquement je suppose.

– C’est physique, tu as raison, et mon esprit bien que subjugué, n’envisage pourtant rien d’autre que cette appartenance qui n’a rien de spirituel. Ma vie, c’est Jérôme et cependant je veux que cet homme me possède, me fasse l’amour encore et encore. C’est un besoin auquel je ne peux ni ne veux résister. Pourtant je ne suis pas une fille facile, Cromec, mes aventures sexuelles n’ont jamais été que des conséquences de flirts sans importance et le seul à avoir jamais vraiment possédé mon corps, c’est Jérôme. Mais cette fois…

– Peut-on empêcher les pôles opposés d’un aimant de chercher à s’unir ? Le feu s’éteindra probablement une fois cette union doublement désirée accomplie. En attendant, tu te consumes et moi avec toi. La nuit nous appartient. Tu devrais pouvoir rejoindre le lieu du sacrifice sans trop paraître forcer le destin.

– Tu parles d’un sacrifice ! Je suis sûre que notre hôtesse et son mari savent ce qui se passe dans l’intimité de ma petite culotte. J’ai honte et en même temps je m’en fiche !

Prenant son courage à deux mains Magalie libéra son regard de celui du garçon, se leva et se dirigea vers la sortie avec, à l’adresse des hôteliers, un bonsoir qu’elle voulait plein de naturel. Le cuisinier répondit par un signe de tête amusé et sa femme par un immense sourire avec, dans les yeux, une lueur complice.

– Bonsoir, chère mademoiselle et que cette nuit sous notre toit vous procure bonheur et félicité.

– Elle sait.

– Bien sûr qu’elle sait ! Elle sait depuis avant mon arrivée. Comme si elle avait senti que quelque chose existait entre son beau jeune homme et moi. Exactement comme si son rôle était de nous réunir. Elle doit effectivement être un peu sorcière. Je ne sais pas si tu l’as perçu, mais je suis certaine qu’elle est heureuse de savoir que nous allons nous gaver d’amour chez elle.

– Elle a peut-être été une grande amoureuse et le beau jeune homme et toi, vous ravivez des souvenirs qui lui font remonter le temps. Alors elle s’est probablement fait tout un cinéma dans sa tête en sachant qu’il n’y aurait que vous deux, jeunes et beaux et de sexes opposés, cette nuit dans son hôtel. À moins qu’elle ne te fasse endosser des envies que son âge ne lui permet plus d’assumer.

– Pourquoi pas ? Mais je reste persuadée qu’elle a su à l’instant même où j’ai téléphoné pour réserver la chambre.

Lorsque Magalie entra dans sa chambre, elle vit que le garçon lui avait emboîté le pas. Simplement, pour rejoindre la sienne, il tourna vers la gauche alors qu’elle avait été à droite. Ils étaient de part et d’autre de l’escalier d’accès à l’étage et pour se rendre dans la salle de bains elle devrait passer devant sa porte.