Une histoire de voyage en train
Chapitre 11
C’était fini. Magalie était maintenant installée, un peu à l’étroit, dans un compartiment occupé par une famille entière assez bruyante, mais qui, elle l’apprit très vite, devait descendre à Toulouse et lui laisser le champ libre. Du moins l’espérait-elle ainsi.
Finalement, lasse de l’agitation dont ces êtres étaient capables de faire preuve et pour s’isoler autant que possible du bruit ambiant, elle ferma les yeux et s’attacha à retrouver les heures vécues aux côtés de Francis à partir du moment où il était apparu derrière l’hôtelière. Une hôtelière effectivement un peu sorcière, songea-t-elle, qui semblait savoir par avance que quelque chose liait ses deux jeunes locataires et que leur rencontre donnerait lieu à un feu d’artifice de leurs sens. À l’évocation de ce rendez-vous avec le plaisir son corps retrouva les émotions qui avaient eu le don de la faire vibrer. Elle dut se morigéner pour ne pas se donner en spectacle sur sa banquette de train lorsqu’une soudaine vague de volupté déferla violemment en provoquant un début de contraction au plus intime de son être. Elle serra les cuisses en souhaitant que la brusque saillie de ses tétons, qui avait accompagné cette arrivée inopinée de délice, n’avait pas été perceptible au travers du tissu de sa robe.
– La volupté sans présence du partenaire, tu as déjà vécu dans le bus. L’être humain est une vraie dynamite sexuelle !
– Oh ! Cromec, je suis vraiment folle de désir pour cet homme ! Même à distance je ressens toujours le magnétisme que dégage son corps. Il est encore en moi. Il me possède. J’ai commencé à jouir à la seule évocation de notre premier contact visuel à l’hôtel. Tu devines ce qui va se passer lorsque je l’imaginerai en train de m’ouvrir les cuisses pour s’emparer de ma vulve ?
– Je l’imagine avec toi et je ne trouve pas que tu aies des raisons d’en avoir peur. Au contraire, ça me semble friser le sublime. Pouvoir entrer en volupté, sur une simple évocation, quoi de plus extraordinaire ?
– Extraordinaire pour toi, spectateur d’un moment ! Tu penses à ma vie si mon corps se rappelle Francis chaque fois que je m’assoupis un tant soit peu. Et Jérôme ? Mon Jérôme ? Je l’aime et je n’ai pas envie de le mélanger à Francis dont j’ai pourtant un besoin physique quasi-permanent !
– En cet instant tu es encore sous le coup de la séparation, sans doute trop brutale.
– C’est vrai que nous nous sommes réveillés tardivement et que la suite n’a été qu’une course pour attraper le train. C’est à peine si nous avons pu nous étreindre une dernière fois sur le quai et cela m’a fait mal, comme si le lien magnétique qui nous a unis toutes ces heures refusait de se rompre. Je ne sais plus où j’en suis ! Je roule vers Jérôme que j’aime profondément et en même temps je suis désespérée de m’éloigner de Francis que je sens toujours vivre au plus profond de mes entrailles.
– Laisse venir l’heure de retrouver Jérôme. Tout se remettra en place dans ta tête et dans ton corps lorsque c’est lui qui te fera jouir. Un amant chassera l’autre.
– C’est que je n’ai pas vraiment envie que ce soit le cas ! D’ailleurs tu sais très bien ce que j’en pense.
– Mystérieuse femelle humaine ! Elle se dit amoureuse d’un homme, et elle l’est réellement par le corps et par le cœur, mais d’un autre côté elle est incapable de rompre des liens purement physiques avec un second individu. Vous êtes toutes bâties sur le même modèle ?
– Pas systématiquement. Toutes les femmes n’ont pas le bonheur de bénéficier de ce lien magnétique qui me soude si intimement à Francis.
– L’amour d’un côté, le bonheur physique de l’autre. Tu rêvais, il y a seulement quelques heures, de retrouver Francis de temps en temps, pour un week-end sportif au lit. Pourquoi ne pas t’y tenir ?
– Et tromper celui que j’aime et avec qui je vais peut-être fonder une famille !
– Si ton corps doit soupirer éternellement après ses envolées sexuelles sous les coups de boutoir de Francis, c’est Jérôme qui finira par en pâtir. Si je peux me permettre, tant que l’homme de ces dernières heures sera libre, ou même seulement disposé à se libérer de temps en temps pour toi, ne l’exclu pas de ta vie. Garde-le bien au chaud. Et d’abord parce que rien n’est encore définitif avec Jérôme, même si tu l’aimes. Souviens-toi que tu le prends à l’essai. Mais aussi, et là je ne crois pas m’avancer trop, parce que ton corps, au contact de Francis et de son magnétisme, s’est dynamisé et qu’il pourrait bien avoir un besoin impérieux d’être périodiquement remagnétisé si ce dynamisme s’atténue.
– Remagnétisé ! Voilà le mot qui peut tout justifier ! Même si je fais ma vie avec Jérôme, et je le crois sincèrement, pour que mon corps ne perde jamais ce bonheur qu’il y a à se sublimer par la chair, il me faudra des séances de remagnétisation auprès de Francis.
– Je suis un génie de la psychologie féminine.
– Et moi un modèle d’hypocrisie ! Mais c’est un programme qui me met du baume au cœur. Je vais avancer dans la vie avec deux hommes, un régulier pour l’amour et le sexe qui va avec et un autre seulement pour le sexe dans le but possible de me dynamiser.
– Et surtout n’oublie jamais, un dynamisme indispensable à la fusion totale de ton corps avec celui que tu aimes.
– Toi aussi je t’aime, Cromec. Je me demande si tu ne vas pas me manquer beaucoup lorsque tu retourneras t’intégrer à la croûte terrestre.
– Pour le moment je suis tout disposé à rester avec toi.
– Je sais. Mais oublions ça. Il vaut mieux que tu ailles expérimenter l’amour et le sexe avec d’autres, aux goûts différents. Je ne voudrais pas me fâcher avec toi si je ne peux plus supporter ta présence.
– D’ailleurs tu pourras toujours m’appeler, en cas de besoin. Ou même seulement pour me dire un petit bonjour.
– Et je fais ça comment ?
– Tu exprimes ton désir à haute voix, tout simplement. L’un de mes frères t’entendra et me le fera savoir. À condition que je ne me sois pas intégré à quelqu’un d’autre au moment de ton appel.
– C’est vrai qu’il y a toujours des êtres invisibles pour nous regarder vivre ! Je t’ai dit ce que j’en pensais et…
– Laisse tomber et regarde tes voisins de compartiment. Qu’est-ce qui les pousse à se démener tout à coup avec cette frénésie ?
– Ils se préparent pour descendre. Nous approchons certainement de Toulouse et je vais enfin, pardon, nous allons enfin, être débarrassés d’eux ! Je n’ai pas vu le temps passer. Grâce à toi.
Cromec cessa de se manifester et bientôt la famille d’agités se rua dans le couloir. Un agréable silence s’installa dans le compartiment et Magalie ferma la porte et rabattit les stores côté couloir pour s’isoler. Elle ouvrit le paquet de gâteaux secs acheté en passant au bar, alors qu’elle se cherchait une place, et se mit à grignoter en espérant que personne ne viendrait troubler sa toute nouvelle quiétude. La chance fut avec elle. De longues minutes après le départ de Toulouse personne n’avait cherché à entrer dans son compartiment.
Son paquet de gâteaux avalé, elle sentit que son corps, privé d’une partie de sa nuit de sommeil, se libérait de toute tension. L’absence d’agitation, le ronronnement du train et la chaleur ambiante, firent qu’elle s’assoupit, adossée dans un coin près de la fenêtre et les jambes étendues sur la banquette.
Un sourire gourmand naquit bientôt sur le visage de la jeune femme qui se revit dans la chambre d’hôtel, étendue sur le lit du sacrifice, impatiente d’accueillir Francis et son sexe reflété en ombre démesurée sur le mur de la chambre. Inconsciemment elle se laissa glisser, la tête reposant maintenant sur l’accoudoir, la jambe droite tendue vers le second accoudoir, le fessier en équilibre au bord de la banquette et la jambe gauche en appui sur le plancher. La robe n’ayant pas suivi le mouvement, Magalie se retrouva troussée, les cuisses amplement découvertes sur un slip qui ne cachait rien du trésor qu’il était supposé abriter. Dans cette inconscience qui ressemblait au sommeil Magalie se saisit avidement de la verge pour la guider dans son vagin. Dans la réalité de son compartiment elle fit le même geste et dégagea de son entrejambe le léger tissu pour livrer passage au dard imaginaire. Ce faisant elle s’ouvrit davantage encore, offrant à ses doigts la fente mouillée de désir et prête pour la possession brève et violente qu’elle avait connue l’avant-veille.
Alors qu’elle commençait à se caresser et à haleter, la porte coulissa sans bruit sur un homme d’environ vingt-cinq ans, grand, brun, vêtu d’un pantalon de toile beige et d’un tee-shirt rouille qui se figea à la vue du spectacle offert par la rêveuse. La lumière entrait à foison dans le compartiment et l’homme ne pouvait rien perdre du spectacle des doigts s’activant dans la vulve. Il se recula dans le couloir, jeta un œil à droite puis à gauche pour s’assurer que personne n’approchait et entra rapidement. Il ferma la porte derrière lui et se pencha sur Magalie qui avait passé son autre main dans son décolleté et commençait à se masser les seins. Le regard rivé à l’entrejambe orné de sa soyeuse toison auburn, il pouvait voir les lèvres d’amour s’ouvrir et se fermer autour des doigts impatients. Une érection énorme et irrésistible gonfla son pantalon.
Il se redressa, regarda la porte, inspecta les filets dans lesquels il n’y avait que la petite valise de Magalie et s’en saisit. En forçant un peu il parvint à bloquer le bagage entre la poignée de la porte et le montant opposé. Par mesure de précaution il ôta sa ceinture, en passa la boucle dans la butée du store et fixa solidement l’autre extrémité à la poignée avant de se retourner vers Magalie dont les halètements s’accéléraient. Très vite l’homme retira son tee-shirt, fit tomber son pantalon puis son slip, faisant jaillir un épieu vibrant d’impatience dont le gland violacé s’était déjà extrait de son prépuce. Le regard exorbité il se pencha à nouveau sur l’entrecuisse maintenant agité de spasmes et délicatement, malgré le violent désir de plonger immédiatement dans ce vagin avide le dard qu’il tenait à la main, il tendit son autre main et effleura doucement les doigts de la jeune femme qui restèrent d’abord sans réaction. Il insista, déplaça sa main pour caresser les lèvres de la vulve et aussitôt les doigts se retirèrent de leur écrin pour se fermer sur son poignet.
En gémissant Magalie plaqua la main de l’homme sur son sexe et celui-ci, incapable de se contenir davantage, s’agenouilla entre les jambes, propulsa son ventre en avant, résolu à se planter enfin dans ce fourreau que sa main seule séparait encore de l’assouvissement.
– Réveille-toi !
À l’instant où l’intrus introduisait son gland turgescent entre les lèvres intimes et affamées de la jeune femme, celle-ci, brutalement sortie de son rêve par l’ordre impératif de Cromec, qui n’avait perçu que trop tard le viol en passe d’être couronné de succès, ouvrit les yeux. À l’inverse de ce qu’avait imaginé l’être d’énergie, Magalie ne rejeta pas l’individu qui venait de s’ouvrir un passage entre ses cuisses. Bien au contraire. Elle jeta ses mains en avant, les plaqua aux fesses de l’homme et l’attira au fond de son vagin en bégayant voluptueusement :
– Oh ! Mon amour !
Car le jeune homme dont le pénis commençait à s’activer dans le bas-ventre de la belle n’était autre que Jérôme, celui dont elle voulait faire son compagnon pour la vie. Le garçon s’abattit de tout son poids sur le corps de Magalie en ébullition et sa verge, exacerbée par le spectacle de la masturbation inconsciente, se rua en assauts furieux qui arrachèrent des râles de plaisir de plus en plus profonds à mesure que les coups de boutoirs de son amant lui labouraient le vagin avec plus de véhémence. La jeune femme ne fut pas en reste, son ventre se jeta au devant du sexe qui la fouillait, se remplit de lui, l’exigea brutal, fouisseur, éclatant de force et de vigueur. En cet instant précis elle voulait être portée aux nues par un bûcheron du sexe, un défonceur de vagin en mesure de la clouer sur la banquette inconfortable du train par ses coups de reins et la violence de son désir. Jérôme se plia aux exigences de la jeune femme et il fit de l’épieu qu’elle avait forgé en livrant sa vulve vorace à l’œil hagard de l’intrus entré dans son compartiment, une arme de jouissance dont il ne se savait pas possesseur. Sous les heurts puissants qui lui martelaient l’entrejambe la jeune femme s’arqua soudain et l’espace étroit se remplit d’un râle qui monta crescendo jusqu’à ce que la volupté suprême s’abatte en vagues ininterrompues de spasmes impétueux, forcenés, que le jeune homme accompagna en se répandant par de longs jets de spermes. Leur déferlement lui arracha à son tour une plainte qui ne cessa qu’avec l’arrêt du passage de la semence dans son pénis et le laissa effondré sur le corps de sa maîtresse.
Soudés l’un à l’autre, les membres enchevêtrés, les amants laissèrent leur chair s’apaiser lentement tandis qu’ils cherchaient à reprendre leur souffle sans essayer de calmer le tumulte de leurs cœurs éperdus de volupté et d’amour.
– Waouh ! Quel feu d’artifice ! Et moi qui ai cru un instant que ce type allait te violer et meurtrir ton joli corps !
– Tu crois que je suis en état de t’écouter ?
– Pourquoi pas ? D’accord, son sexe est toujours planté bien droit dans ton ventre et sa raide présence te donne des palpitations, mais si ce type avait été quelqu’un d’autre que Jérôme ? N’importe qui aurait pu se trouver à sa place. Je ne crois pas qu’un homme normalement constitué aurait pu résister au spectacle que nous lui présentions, cuisses ouvertes, corps en chaleur et doigts au travail dans la vulve. Nous n’y coupions pas du viol !
– Moi, toi, nous. Un coup tu es toi et le coup d’après tu es nous. Une fois c’est moi qui jouis et la fois d’après c’est nous !
– C’est comme ça. Rien n’a changé. Je suis toujours moi et nous en même temps. Quand j’ai senti brusquement que quelque chose d’anormal était en train de se produire tes yeux étaient fermés et je ne sais pas ce qui m’a averti. Ce qui est sûr, c’est que toi tu n’avais aucune conscience de ce qui se préparait quand je t’ai alertée. Erreur. Je devrais dire de ce qui venait de commencer puisque le sexe de ce garçon s’était déjà en partie introduit dans le tien. Pas seulement avec ton accord, mais à ta demande expresse.
– Seulement c’était Jérôme et je l’ai reconnu dès que j’ai ouvert les yeux.
– Et tu n’as rien eu de plus pressé que de finir d’engloutir sa verge brûlante pour nous expédier à nouveau dans ce monde voluptueux que j’affectionne de plus en plus. Quel homme !
– N’est-ce pas ? C’est ça l’amour. Je l’aime, il m’aime et ce double sentiment qui nous unit produit les mêmes effets sur nos sens que le magnétisme qui m’a jeté, corps en ébullition, dans les bras de Francis.
– Ton corps n’a pas encore retrouvé tout son calme, mais ton esprit raisonne et cependant pas aussi clairement qu’il y paraît. Cet amour, aussi intense qu’il soit, peut ne pas durer alors que le magnétisme qui te lie à l’autre, lui, je le crois indestructible.
– L’avenir le dira ! En attendant, je suis amoureuse et cet amour me fait jouir au-delà de ce que j’osais espérer. Tu connais quelque chose de plus efficace pour une vie de femme heureuse ?
– Tu es meilleure juge. J’ai beau avoir accès à ton cerveau, je ne suis qu’un novice en matière de lien entre votre sexe et vos sentiments. Mais j’aime ta façon d’être heureuse, elle me dynamise. Plus nous jouissons, plus je m’épanouis. Cette faiseuse de volupté que tu as entre les cuisses a décuplé mon énergie.
– Tu vas faire des ravages parmi les tiens.
– Mais pas des ravages sexuels ! Pour ça il faudrait des attributs que nous ne possédons malheureusement pas.
– Et nos parties de jambes en l’air vont te manquer. Mon cœur se calme et je commence à respirer normalement.
– Pourtant ton Jérôme m’a l’air d’être toujours aussi vigoureux dans son fourreau. J’ai comme l’impression que l’accalmie va être de courte durée et que je vais encore me gaver. Tu as une idée de ce qu’il peut penser ?
– A quel propos ?
– À propos de ta manière de t’exposer, sexe et âme accessibles, dans un compartiment de train ouvert à tous les vents.
– Je ne devrais pas tarder à savoir. Maintenant laisse-moi à mes amours.