Le projet de loi Sapin 2 pousse à la baisse du rendement des fonds en euros et prévoit la possibilité de bloquer les retraits.
Or, les contrats les plus mal rémunérés sont déjà tombés sous les 2 % pour l’année 2015, avec une moyenne sur le marché ne dépassant pas 2.30 % selon l’AFA (Association française de l’assurance).
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Les assureurs engrangent depuis quelques années dans leur portefeuille des titres (obligations d’Etat) offrant des taux bien inférieurs au rendement servi sur le fonds en euros. [toc]
Rappelons que la principale référence en matière d’obligations d’Etat en Europe, le Bund allemand à dix ans, vient de tomber cette semaine en territoire négatif !
Les assureurs limitent l’érosion du rendement servi aux épargnants grâce aux obligations souscrites par le passé (avec un meilleur taux qu’actuellement) et grâce aux réserves de plus-values constituées durant les bonnes années.
Pour bien comprendre
: L’actif sous-jacent des fonds euros « classiques » est composé principalement d’obligations d’Etat ayant une maturité (durée de vie de l’obligation) de plusieurs années.
Une obligation qui arrive à son terme et qui proposait, par exemple, un taux de 2%, est aujourd’hui remplacée par une obligation offrant un taux légèrement au-dessus de 0%.
On arrive tout doucement à une situation où votre fonds euros « classique » sera composé principalement d’obligations ne rapportant plus rien, ou presque.
Comment dans ce cas, les compagnies d’assurance peuvent-elles encore offrir un taux de rendement de par exemple 2% aux souscripteurs ? En puissant dans les réserves !
Le problème c’est que les réserves s’épuisent avec comme conséquence une forte baisse de la rémunération des fonds en euros « classiques ».
- Le projet de loi Sapin 2 pousse d’avantage à la baisse du rendement des fonds en euros et prévoit la possibilité de bloquer les retraits. La garantie en capital est elle aussi menacée.
Pour les autorités, la baisse des taux des fonds en euros n’est pas assez rapide et craint une fragilisation financière des compagnies d’assurances en cas de variation (entendez augmentation) des taux sur le marché.
Officieusement, en sapant l’attractivité de l’assurance-vie garantie, le gouvernement veut orienter l’épargne des Français vers les actions avec tous les risques que cela comporte.
Le gouvernement entend mettre fin à la liberté des taux
Le législateur vient de doter le Haut Conseil de stabilité financière du pouvoir d’imposer à un assureur un taux plus bas que celui qu’il a fixé sur son fonds en euros. Selon un amendement parlementaire au projet de loi Sapin 2, adopté en première lecture par l’Assemblée nationale (article 21 bis), le HCSF pourra « moduler » la faculté de l’assureur de piocher dans les réserves de plus-values du fonds pour booster le rendement servi ! Bref, servir un taux supérieur à la moyenne va devenir difficile. C’est la fin du principe des taux librement fixés par les assureurs !
Ainsi, si la compagnie est autorisée à distribuer un taux de, par exemple, 1,5% duquel il faudra déduire les frais de gestion du contrat qui varie entre 0,7% et 1% selon les compagnies, il restera au souscripteur du contrat un taux de rémunération de 0,5% sur lequel l’Etat va encore pomper la CSG de 15,5%.
Une liquidité menacée
Le HCSF, en vertu du même article 21 bis de la loi Sapin 2, pourra aussi décider de suspendre sur tous les contrats la possibilité de faire des retraits sur les fonds en euros ou de les limiter en cas de grosse fluctuation des taux obligataires. C’est la fin de la liquidité garantie !
Pour bien comprendre
: Si les taux des obligations (qui composent le fonds euros classique) remontaient (ce taux est à un peu plus de 0% avec un Bund allemand même négatif – le risque de remontée est donc très fort), le HCSF (sous contrôle du gouvernement) va pouvoir bloquer les rachats partiels et totaux demandés sur les fonds euros classiques.
En gros, si les taux remontaient, votre épargne a de grande chance d’être bloquée.
C’est-à-dire que, si les taux remontaient, vous ne pourriez pas choisir d’arbitrer votre épargne placée sur un fonds euros pour la placer sur des actifs plus rémunérateurs, puisque les taux remontent.
Vers une garantie en capital brute des frais de gestion
Le capital versé sur le fonds en euros d’une assurance vie est garanti en permanence, une des principales raisons du succès de ces fonds. Il faut désormais s’attendre à voir cette garantie écornée chaque année par les frais de gestion prévus au contrat.
Un assureur vie, et non le moindre puisqu’il s’agit de Generali Vie – l’une des plus grandes compagnies européennes, distribuant de nombreux contrats en France – vient d’annoncer que la garantie sera désormais brute des frais de gestion.
Autrement dit : en versant 100 euros sur un fonds en euros, l’assuré avait jusqu’alors la garantie de récupérer au minimum 100 euros à tout moment, alors que désormais cette garantie baissera chaque année. Une baisse de 0.5 % à 1 % par an, soit les frais de gestion, variables selon les contrats.
Exemple : avec des frais d’entrée de 3 % et des frais de gestion annuelle de 0.75 %, la garantie aura fondu, au bout de 8 ans, à 91 330 euros sur un versement initial de 100 000 euros.
Generali Vie impose cette règle sur la plupart de ses contrats souscrits depuis janvier 2016. Elle sera étendue à tous les nouveaux contrats en 2017. « Dans le cadre de Solvabilité 2, certains scénarios extrêmes simulent une baisse du taux de participation aux bénéfices, en-dessous des frais de gestion de la compagnie », déclare-t-on chez Generali Vie. Il s’agit donc pour l’assureur de préserver son équilibre financier si les taux de rendement des fonds en euros tombent à zéro. Nul doute que cette démarche, qui va dans le sens des appels à la prudence des autorités de contrôle, fera des émules chez les concurrents.
QUE FAIRE ?
SORTIR VITE, MAINTENANT, DE VOTRE FONDS EUROS CLASSIQUE !
Beaucoup de français vont chercher à faire basculer leurs assurances-vie françaises sur des contrats à l’étranger (Suisse, Luxembourg..) qui ne bloqueront pas les retraits pour un oui ou pour un non.
D’autres placeront leur épargne via leur assurance-vie sur d’autres actifs que ceux que composent les fonds euros classiques (obligations d’Etat) leur permettant certainement un meilleur rendement tout en diminuant fortement leur risque de liquidité.
Les capitaux des fonds en euros classiques vont fortement diminuer pour alimenter peut-être des produits similaires à l’étranger avec un risque de diminution de la solvabilité de la France, augmentant ainsi le risque de remonter des taux d’emprunt de la dette, bref, au final, risquer de provoquer la crise qu’elle est supposée faire éviter.
Michel SAUBLENS
Expert en gestion de patrimoine